Vaccination contre l’entérite nécrotique due à Clostridium perfringens de type A au Canada

L’entérite nécrotique (EN) a des conséquences désastreuses sur l’industrie du poulet de chair dans le monde. En effet, en plus des cas cliniques présentant une détérioration de la santé et du bien-être, l’on observe également une diminution des gains, une augmentation de l’indice de conversion alimentaire ainsi que des pertes économiques importantes en raison des cas subcliniques.

Depuis des décennies, les recherches se multiplient dans le monde pour trouver un vaccin contre l’EN, et le Conseil de recherches avicoles du Canada n’y fait pas exception. En 2021, un nouveau vaccin mis au point par Huvepharma® contre Clostridium perfringens de type A et pouvant arrêter la production de plusieurs toxines a été le premier mis sur le marché aux États-Unis et au Canada. Actuellement offert seulement au Canada, aux États-Unis et en Afrique du Sud, le vaccin s’est avéré efficace pour combattre l’EN causée par Clostridium perfringens de type A dans les élevages de poulets de chair.

Composition du vaccin

Il s’agit d’un vaccin recombinant atténué à vecteur vivant de Salmonella, ou RASV (pour « Recombinant Attenuated Salmonella Vaccine »), une méthode utilisant une bactérie ne causant aucune maladie dans le but de transmettre l’information antigénique nécessaire au système immunitaire des oiseaux. Cette technologie est éprouvée et est en utilisation depuis les années 1980.

Une séquence d’ADN (plasmide) contenant les codes des fragments des deux toxines les plus importantes produites par Clostridium perfringens (C. perfringens), plus précisément les toxines alpha et netB, est incorporée dans le vecteur de Salmonella. Lorsque le vaccin est inoculé dans l’intestin des poulets, il stimule le développement d’anticorps muqueux contre les toxines alpha et netB. Ainsi, la majorité des anticorps seront donc créés directement sur le revêtement des cellules intestinales, là où la protection contre l’EN est cruciale, soit dans la muqueuse intestinale. Le vecteur du vaccin est conçu pour se répliquer sur une courte période de temps seulement avant de mourir, ne provoquant ainsi aucune maladie.

Efficacité du vaccin

Huvepharma® indique que les données sur l’efficacité du vaccin ont été colligées à la fois par essais expérimentaux et sur le terrain dans des fermes commerciales canadiennes et américaines et que les résultats sont prometteurs.

Lors des essais par expérimentation réalisés aux États-Unis en vue de la préparation des dossiers d’homologation au Canada et chez nos voisins du sud, on a procédé à une inoculation expérimentale dans le cadre de laquelle des oiseaux, ayant reçu soit aucun vaccin, soit un placébo ou soit le vaccin contre Clostridium perfringens de type A, étaient mis en contact avec Eimeria maxima et C. perfringens. Trois essais distincts ont été réalisés sur ces groupes de traitement et les conclusions sont les suivantes :

  • Dans les trois essais, réduction significative de la mortalité chez les oiseaux vaccinés comparativement à ceux qui avaient reçu un placébo.
  • Diminution importante de l’indice de conversion alimentaire (ICA) et augmentation significative du poids chez les oiseaux vaccinés comparativement aux oiseaux ayant reçu un placébo lors de deux essais, mais aucune différence importante observée lors du troisième essai.

Dans le cadre des essais sur la ferme, Huvepharma® a regroupé l’ensemble des données de toutes les fermes. Ces données ont été recueillies de l’hiver à l’été 2021. Les essais ont porté sur différents types de productions (classique, principe « No Antibiotics Ever » [élevé sans antibiotiques], biologique), ainsi que dans des installations avec et sans historique d’EN. L’échantillon comprenait plus de 11 millions d’oiseaux ayant reçu un vaccin au premier jour de leur éclosion dans le couvoir, et plus de 18 millions d’oiseaux n’ont reçu aucun vaccin. Comparativement aux oiseaux n’ayant pas reçu le vaccin contre Clostridium perfringens de type A, les oiseaux vaccinés affichaient en moyenne un score de viabilité et des poids plus élevés, ainsi qu’un ICA plus faible. Le tableau ci-dessous présente les moyennes selon plusieurs contextes d’élevage différents. Il peut y avoir une certaine variabilité entre les fermes individuelles, selon l’historique d’EN, la nutrition, le programme d’anticoccidiens, etc.

Les études sur la ferme de Huvepharma® se poursuivent au Canada. Par exemple, des résultats ont été obtenus d’un élevage sans antibiotiques en Ontario qui n’avait jamais eu de problème d’EN important dans le passé. L’étude comprenait trois poulaillers de contrôle (vaccinés pour la maladie de Marek, la bronchite et la coccidiose) ainsi que quatre poulaillers soumis à l’essai (ayant reçu les vaccins de contrôle ainsi que le vaccin contre Clostridium perfringens de type A). Les poussins ont été placés en décembre 2021. Pour chaque poulailler de contrôle l’on comptait un poulailler soumis à l’essai, plus un autre poulailler à l’essai à un autre endroit. Les résultats moyens de toutes les installations indiquent que dans les poulaillers soumis à l’essai, la viabilité augmentait de 1,8 à 2,6 %, les poids finaux atteignaient entre 7 et 10 grammes de plus, l’ICA était inférieure de deux points (1,58 par rapport à 1,60) et les condamnations étaient de 0,05 à 0,07 % plus élevées que dans les poulaillers de contrôle.

Ces améliorations du rendement démontrées dans un poulailler sans problèmes antérieurs liés à l’EN ne seraient généralement pas attendues avec un vaccin préventif et met en évidence la présence et les impacts de cas d’EN subcliniques et la capacité de ce vaccin à potentiellement atténuer ces impacts.

Dans le cadre d’un essai subséquent mené en Ontario entre novembre 2021 et octobre 2022 auprès de troupeaux élevés sans l’usage d’antibiotiques et de troupeaux conventionnels, des améliorations peu importantes ont été observées chez les oiseaux ayant reçu le vaccin contre Clostridium perfringens de type A, avec près de 3 points d’ICA de moins (1,607 comparativement à 1,636) et des poids de marché plus élevés de 97 g lorsque l’on tient compte du nombre de jours avant la mise en marché.

Un autre essai sur le terrain mené en Ontario entre décembre 2021 et janvier 2023 a porté sur l’incidence du vaccin sur les troupeaux élevés sans l’usage d’antibiotiques avec et sans solutions de rechange aux antibiotiques dans la moulée. Comparativement aux troupeaux qui avaient des solutions de rechange aux antibiotiques dans la moulée mais qui n’avaient pas reçu le vaccin, les troupeaux élevés sans solution de rechange mais qui avaient reçu le vaccin présentaient une augmentation des poids de marché de 21 g lorsque l’on tient compte du nombre de jours avant la mise en marché, une diminution de l’indice de conversion alimentaire (1,622 contre 1,558) et une baisse de 1,4 % du taux de mortalité.

Dans l’Ouest, des essais ont eu lieu en Alberta et en Colombie-Britannique sur des troupeaux de poulets Ross 308/708 comprenant des mâles et des femelles qui ont été élevés sans l’usage d’antibiotiques. Les résultats obtenus dans tous les poulaillers ont montré que, comparativement aux sujets témoins, dans les poulaillers d’essai :

  • La viabilité a augmenté de 1,5 à 2 %.
  • Les condamnations étaient inférieures de 0,26 % en Colombie-Britannique et supérieures de 0,47 % en Alberta.
  • Les poids finaux ont augmenté de 63 à 154 g.
  • L’indice de conversion alimentaire n’a montré aucune différence dans les poulaillers de la Colombie-Britannique et était inférieur de 6,5 points en Alberta (1,667 par rapport à 1,602).

Utilisation pratique

Puisque ce vaccin contient un vecteur Salmonella, il ne peut être administré à des troupeaux qui reçoivent des antibiotiques simultanément, car ces derniers risqueraient d’interférer avec le vecteur Salmonella. L’on recommande l’inoculation du vaccin par pulvérisation à grosses gouttelettes au poulailler, aux poussins au premier de leur éclosion. Le vaccin a une période de retrait de 21 jours. Le vaccin peut être combiné et administré de manière sécuritaire simultanément aux vaccins contre la bronchite et la coccidiose. Le vaccin contre Clostridium perfringens de type A est vendu directement chez les vétérinaires et la majorité des couvoirs au Canada y ont accès, et l’ont inoculé comme le requièrent les vétérinaires et les éleveurs.

Information additionnelle concernant l’entérite nécrotique

Qu’est-ce qui cause l’entérite nécrotique?

L’entérite nécrotique est causée par une bactérie nommée Clostridium perfringens (C. perfringens), nom latin signifiant « perforer ». C. perfringens existe partout dans notre environnement et les humains cohabitent avec cette bactérie depuis des millions d’années. Or, lorsque certains facteurs de prédisposition sont présents, C. perfringens peut causer des effets nocifs chez de nombreuses espèces animales, dont les poulets de chair.

C. perfringens vit dans les intestins, car il préfère les environnements sans oxygène (anaérobique). Il est naturellement présent dans l’intestin des poulets en santé. Cependant, en présence de facteurs connexes causant des changements ou des lésions aux intestins – par exemple, la coccidiose, une alimentation particulière, un transit intestinal ralenti ou toute autre situation provoquant un déséquilibre dans l’intestin –, la bactérie C. perfringens peut proliférer et produire des toxines. Ce sont ces toxines, et non la bactérie elle-même, qui causent l’EN, donc les baisses de rendement et la mortalité des oiseaux.

Les deux principales toxines libérées en présence d’EN est l’alpha et la netB. La toxine alpha est présente dans toutes les souches de C. perfringens. Il s’agit d’une enzyme qui agit sur la couche adipeuse des cellules en coupant les membranes cellulaires poreuses d’une manière que l’on croit dépendante du calcium. La toxine netB crée des pores dans les membranes cellulaires, entraînant des ruptures de la muqueuse intestinale, donc la perte de molécules importantes. C’est de cette manière que les deux toxines causent les dommages intestinaux, omniprésents en cas d’EN.

Conséquences de l’entérite nécrotique

La maladie clinique de l’EN est habituellement courte. Les seuls signes sont une dépression importante suivie d’une mortalité soudaine dans le troupeau, pouvant atteindre 50 % dans certains cas (Timbermont et al., 2011).

C’est la forme subclinique de l’EN qui cause les plus grandes pertes sur le plan économique dans l’industrie de la volaille. En effet, en présence de cas subcliniques, la maladie n’est pas détectée et il est alors difficile de la prévenir ou de la traiter. L’EN subclinique se caractérise par des lésions de la muqueuse intestinale sans signes cliniques manifestes, mais qui entraînent des pertes de production dues à une digestion et une absorption médiocres, à une prise de poids réduite et à une augmentation de l’indice de conversion alimentaire (Timbermont et al., 2011). Des lésions au foie sont aussi détectées lors de l’abattage, ce qui augmente d’autant le nombre de condamnations.

Contrôle de l’entérite nécrotique

Voici les mesures de base pour le contrôle de l’EN :

  • Gestion appropriée : par exemple, assurer une bonne humidité de la litière, de bonnes pratiques de nettoyage et de désinfection une ventilation appropriée, éliminer tout stress pour les oiseaux, réduire la densité de logement et éliminer le stress dû au froid ou à la chaleur sont tous des moyens de contrôler l’EN (Tsiouris, 2016; Timbermont et al., 2011).
  • Anticoccidiens : les lésions intestinales causées par des agents pathogènes coccidiaux (Eimeria spp.) représentent le facteur prédisposant le plus connu à l’EN; le contrôle de ces lésions au moyen des vaccins contre la coccidiose ou des anticoccidiens compte pour une part importante du contrôle de l’EN.
  • Nutrition et digestibilité : Éviter les changements drastiques dans l’alimentation, assurer des niveaux de calcium appropriés et surveiller les niveaux de farine de poisson, entre autres, peut aider à prévenir l’EN. L’utilisation d’améliorateurs de digestibilité pour les niveaux élevés de blé, d’orge ou de seigle dans l’alimentation aide aussi (Hargis, 2016).

Parmi les autres moyens de contrôler l’EN, notons :

  • Additifs alimentaires pour favoriser la santé intestinale : l’administration de probiotiques sélectionnés ou de cultures d’exclusion compétitive a été utilisée avec succès pour prévenir et traiter l’EN clinique (Hargis, 2016).
  • Médicaments et vaccins approuvés : les antibiotiques Bacitracine et Avilamycine ont tous deux des allégations approuvées pour la prévention de l’EN de Santé Canada. Désormais, le vaccin contre Clostridium perfringens de type A est offert sur le marché canadien et constitue un outil de plus mis à disposition pour prévenir l’EN.

 

Références

Hargis, B.M. 2016. Aperçu de l’entérite nécrotique chez la volaille. Merck Veterinary Manual. Disponible en ligne (en anglais seulement) : https://www.merckvetmanual.com/poultry/necrotic-enteritis/overview-of-necrotic-enteritis-in-poultry

De Keyser, K. 2022. Vaccination contre l’entérite nécrotique due à Clostridium perfringens de type A. Webinaire présenté lors du BC Poultry Symposium. Disponible en ligne (en anglais seulement) : https://bcpoultrysymposium.com/videos/

Timbermont, L., Haesebrouck, F., Ducatelle, R., and Van Immerseel, F., 2011. Necrotic enteritis in broilers: an updated review on the pathogenesis. Avian Pathology, 40, p. 341 à 347. Disponible en ligne (en anglais seulement) : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03079457.2011.590967

Tsiouris, V. 2016. Poultry management: a useful tool for the control of necrotic enteritis in poultry. Avian Pathology, 45, p. 323 à 325. Disponible en ligne (en anglais seulement) : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03079457.2016.1154502.