L’industrie avicole mondiale est encore aux prises avec l’entérite nécrotique

Article reproduit avec l’autorisation de Poultry Health Today

L’entérite nécrotique demeure un défi de taille dans le contexte de l’élevage du poulet à griller sans antibiotiques, et pour prévenir la maladie, il faut éviter les facteurs prédisposants et mettre en place un plan de contrôle de la coccidiose rigoureux, ont affirmé les conférenciers lors de la deuxième édition de l’International Conference on Necrotic Enteritis (congrès international sur l’entérite nécrotique).

Dans un sondage mené en 2016 auprès de vétérinaires aviaires américains sur les maladies importantes, l’entérite nécrotique s’est classée au deuxième rang après la coccidiose, a indiqué John Smith, D.M.V., chez Alectryon LLC, une société d’experts-conseils du secteur de la volaille située à Baldwin, en Géorgie.

Les poulets élevés sans antibiotiques représentent aujourd’hui 45 % de la production de poulet à griller aux États-Unis, et l’entérite nécrotique coûte à ce segment de l’industrie un montant estimé à 6 milliards de dollars annuellement – une somme qui risque d’augmenter, a fait valoir M. Smith à l’auditoire du congrès sur l’entérite nécrotique, qui s’est tenu plus tôt cette année à Denver, au Colorado.

Quantifier le problème

L’entérite nécrotique chez la volaille est causée par la bactérie Clostridium perfringens (CP), qui est très résistante et difficile à éliminer dans les fermes d’élevage de poulets à griller, ont mentionné plusieurs conférenciers.

Dan Karunakaran, D.M.V., Ph. D., Arm & Hammer, a indiqué que selon un sondage qu’il a mené, les taux de CP ont augmenté chez les poulets à griller et les dindons entre 2014 et 2017, ce qui correspond à l’essor rapide de la production sans antibiotiques – laquelle est passée de 4 % en 2013 à 40 % en 2017.

Les résultats du sondage, qui a été mené auprès de 20 exploitations de poulets à griller et de 25 exploitations de dindons, démontrent que l’incidence et la gravité de l’entérite nécrotique sont liées au cycle des organismes Eimeria qui causent la coccidiose, une maladie parasitaire. Même les oiseaux en santé présentent de faibles taux de CP, affirme M. Karunakaran.

Chez le poulet à griller, les taux de CP étaient les plus élevés chez les oiseaux de trois semaines, alors que chez les dindons, la pointe de CP se situe chez ceux de 10 semaines, rapporte-t-il.

Filip van Immerseel, Ph. D., de l’Université de Gand, en Belgique, a présenté un sondage mondial qu’il a mené sur la prévalence de l’entérite nécrotique, qui serait de 6 % à 7 %. Il a cependant affirmé qu’il n’y a pas suffisamment de données mondiales de qualité sur l’entérite nécrotique, que la définition de cette maladie diffère d’un endroit à l’autre et que la prévalence varie grandement selon les régions.

L’Asie présente les plus hauts taux d’entérite nécrotique, a-t-il rapporté, sans toutefois donner de chiffres précis. En Belgique, de 22 % à 31 % des troupeaux de poulettes pondeuses sont atteints d’entérite nécrotique, a-t-il ajouté.

Facteurs prédisposants

De nombreux conférenciers ont souligné l’importance des facteurs prédisposants qui permettent à CP de proliférer et à l’entérite nécrotique de se développer.

M. van Immerseel a cité la coccidiose, les mycotoxines dans la moulée, les diètes riches en protéines, l’immunosuppression et les lésions intestinales comme étant des facteurs clés qui permettent à l’entérite nécrotique de se développer. Le plus important pour contrôler l’entérite nécrotique est de prévenir ces facteurs prédisposants et de protéger les cellules épithéliales de l’intestin des oiseaux, affirme-t-il.

Les autres facteurs prédisposants mentionnés lors du congrès sont la densité de peuplement élevée et le taux d’humidité élevé.

Présentant le lien clair entre la coccidiose et l’entérite nécrotique, Mark Jenkins, de l’Animal Parasitic Disease Lab, ARS, USDA, a indiqué que E. maxima viable et d’autres organismes Eimeria ont été détectés dans les fermes avant le placement des poussins dans 35 des 60 poulaillers analysés lors d’une étude.

La présence d’oocystes viables avant le placement signifie que les poussins ont besoin d’une protection immédiate. Lorsque les poussins sont vaccinés contre la coccidiose, habituellement à l’âge d’un jour, il est important de s’assurer que 100 % des poussins ingèrent les occystes du vaccin nécessaires à la stimulation d’une réponse immunitaire primaire, insiste M. Jenkins. Autrement, les oiseaux seront vulnérables à l’infection.

Greg Mathis, Ph. D., président de Southern Poultry Research, à Athens, en Géorgie, et reconnu mondialement pour son expertise dans le domaine de la coccidiose, a expliqué que E. maxima est le type de coccidies le plus néfaste de l’entérite nécrotique en raison de ses dommages à l’intestin. Ce n’est pas tant la quantité d’oocystes à laquelle les oiseaux sont exposés qui joue un rôle que la pathogénicité de E. maxima, a-t-il ajouté.

Persistance de Clostridium

Marie Archambault, D.M.V., Ph. D., Université de Montréal, a indiqué que la plupart des isolats de CP chez les humains et les animaux peuvent former des biofilms. Dans le cadre d’études in vitro, elle a découvert que les biofilms protègent CP contre les antibiotiques et la plupart des désinfectants utilisés dans les fermes et dans les environnements de transformation alimentaire.

Audrey Charlebois, également de l’Université de Montréal, a présenté une étude qui démontre que dans une ferme, sur une période de trois ans, les biofilms et les spores de CP survivent, contribuant à la contamination de l’environnement par le pathogène, malgré la désinfection.

Le rôle de la toxine NetB

Les opinions différaient au sujet du rôle de NetB dans le développement de l’entérite nécrotique. NetB est la toxine produite par certaines souches de CP et qui mène à l’entérite nécrotique.

Des données de 2017 présentées par M. Karunakaran démontrent que les oiseaux en santé ne présentent presque pas de NetB, alors que 100 % des oiseaux atteints d’entérite nécrotique sont porteurs de la toxine NetB.

Joan Smyth, B.M.V., Ph. D., Université du Connecticut, a mentionné que pendant 40 ans, la toxine alpha était considérée comme le problème avec CP. En 2006, cependant, la toxine alpha a commencé à muter en Australie. En 2008, la toxine NetB a été retrouvée dans le pays, et en 2009, NetB a été détectée dans des isolats non australiens.

Alors que la toxine NetB est considérée par les chercheurs comme la cause principale de l’entérite nécrotique, Mme Smyth se demande si l’histoire s’arrête là ou si d’autres agressines sont impliquées.

Neha Mishra, Ph. D., également de l’Université du Connecticut, a émis des réserves similaires au sujet du rôle de NetB comme seule cause de l’entérite nécrotique. Dans certains cas, les oiseaux malades présentaient à la fois la toxine alpha et NetB; qui plus est, les souches de NetB ne produisent pas toutes la maladie, affirme-t-elle.

Prévention et contrôle

Steve Davis, D.M.V., chef de la direction de Colorado Quality Research, indique que pour prévenir CP, les poussins doivent être exposés rapidement au pathogène. Par ailleurs, des études ont révélé qu’il est plus difficile de créer des éclosions d’entérite nécrotique sur de la litière utilisée que sur de la nouvelle litière.

Alors que les oiseaux placés sur une litière propre ont un meilleur rendement avant l’exposition à CP que les oiseaux placés sur une litière usagée, leur taux de mortalité est beaucoup plus élevé lorsqu’ils y sont exposés. Pour leur part, les oiseaux placés sur une litière usagée avant une exposition à CP n’avaient pas un aussi bon rendement que ceux placés sur une nouvelle litière, mais la gravité de l’entérite nécrotique était plus faible lors des expositions contrôlées, affirme M. Davis.

Ayant travaillé longtemps avec des producteurs de volaille, Tim Cummings, D.M.V., vétérinaire des services techniques chez Zoetis, a donné des conseils pratiques sur la gestion de l’entérite nécrotique dans les systèmes de production sans antibiotiques. Il a souligné qu’il est important de ne pas tenir pour acquis que les oiseaux sont atteints d’entérite nécrotique et de confirmer le diagnostic au moyen de nécropsies.

La clé du succès dans la production sans antibiotiques commence par les poulettes reproductrices de poulet à griller et s’étend jusqu’au poulailler où croissent les poulets à griller, explique-t-il. De nombreux détails sont importants, mais les programmes de vaccination des poulettes doivent être renforcés et administrés adéquatement, les politiques sur les œufs pondus sur le plancher et les normes en matière d’emballage des œufs doivent être réévaluées, et les efforts de désinfection des couvoirs doivent être revus, ce qui se traduit souvent par une main-d’œuvre accrue et une mise à niveau de l’équipement.

La gestion de la croissance doit également être soulignée, et l’accent doit être mis sur certaines mesures clés – principalement prolonger la période de vide sanitaire; diminuer la densité si possible; administrer adéquatement le vaccin contre la coccidiose pour optimiser son utilisation; réduire l’humidité de la litière; garder les oiseaux en éleveuses au chaud; apporter des ajustements nutritionnels; et faire en sorte que les oiseaux mangent de manière constante, particulièrement durant la fenêtre de temps critique de l’entérite nécrotique de deux à trois semaines, indique-t-il.

Lors de la transition de l’usage d’antibiotiques dans la moulée, qui a été historiquement très efficace pour contrôler l’entérite nécrotique, vers un programme sans usage d’antibiotiques, la microflore intestinale s’ajustera assez rapidement à certains des changements apportés; cependant, quelques troupeaux seront probablement nécessaires pour changer la microflore de la litière dans le système de litière profonde permanente utilisé aux États-Unis. À cet égard, une nouvelle litière est un facteur de risque accru pour l’entérite nécrotique, a précisé M. Cummings.

Options de rechange aux antibiotiques

Lors du congrès, plusieurs conférenciers ont mis l’accent sur les options de rechange aux antibiotiques pour prévenir l’entérite nécrotique, dont les probiotiques, les prébiotiques, le butyrate, les minéraux et les huiles essentielles.

M. van Immerseel a résumé la discussion sur les options de rechange en affirmant que la composition et la digestibilité de la moulée sont cruciales dans la prévention de l’entérite nécrotique, mais qu’au moment de choisir les produits de rechange à utiliser, les producteurs doivent faire plusieurs essais pour déterminer s’ils fonctionnement de manière constante.