Ce ne sont pas les solutions de rechange aux antibiotiques, mais bien quelques outils visant à améliorer le démarrage, qui sont la clé pour prévenir l’entérite nécrotique

Article reproduit avec l’autorisation de Poultry Health Today

Par Reg Smith
Vice-président des opérations
Atlantic Poultry
Nouvelle-Écosse, Canada
Anciennement président de la stratégie d’intendance des antibiotiques du British Poultry Council

Un rapport récent paru dans Poultry Health Today au sujet du dédale des options de rechange aux antibiotiques pour le contrôle et la prévention de l’entérite nécrotique a attiré mon attention, et je n’ai pas pu résister à la tentation de vous faire part d’une solution à l’entérite nécrotique que je trouve efficace chez les troupeaux élevés sans antibiotiques.

Avant d’occuper mon poste actuel au Canada, j’étais entre autres, président de la stratégie d’intendance des antibiotiques du British Poultry Council. Le British Poultry Council est un groupe de l’industrie représentant près de 90 % du secteur de la viande de volaille au Royaume-Uni. Grâce à notre stratégie, nous sommes parvenus à réduire de plus de 80 % l’utilisation des antibiotiques dans l’industrie britannique de la viande entre 2012 et 2018. Et cet accomplissement a été présenté comme un exemple d’agriculture responsable en Europe, mais ça n’a pas été facile.

Au Royaume-Uni, les antibiotiques utilisés pour améliorer l’indice de consommation et le taux de croissance ont été éliminés pratiquement du jour au lendemain à la fin des années 1990. Ce changement était motivé en partie par la « surenchère » concurrentielle entre les joueurs de l’industrie et par la pression des détaillants sur la chaîne d’approvisionnement. On a immédiatement vu une montée fulgurante des cas d’entérite nécrotique dans la majorité des poulets à griller produits, habituellement entre l’âge de 18 et 26 jours, et celle-ci coïncidait souvent avec une excrétion maximale des coccidies.

Les options de rechange, comme les additifs alimentaires qui sont censés améliorer la santé intestinale, ne sont pas parvenues à atténuer le problème. Ultimement, des traitements antibiotiques ont été nécessaires pour prévenir des enjeux de bien-être importants pour les oiseaux.

Allégations « fantastiques »

Dans l’année qui a suivi, une autre série de produits arborant des allégations fantastiques au sujet de leur efficacité pour contrer – oui, vous l’aurez deviné – l’entérite nécrotique est apparue, mais en réalité, aucun de ces produits ne s’est avéré vraiment efficace. Les troupeaux élevés sans antibiotiques devaient être traités pour l’entérite nécrotique et, trop souvent, traités une seconde fois. Il est devenu évident que l’utilisation des produits de rechange seule était un exercice futile et que nous devions complètement repenser notre approche de gestion de l’entérite nécrotique.

Je crois qu’il est juste de dire que notre solution au problème de l’entérite nécrotique découle de la frustration et, dans une certaine mesure, du hasard. Nous savions que l’intestin des oiseaux se développe encore durant les premières semaines de vie. Ainsi, nous avons émis l’hypothèse que si un démarrage sous-optimal altère ce développement, le tractus gastro-intestinal ne peut pas fonctionner correctement, ce qui prépare potentiellement le terrain au développement ultérieur de l’entérite nécrotique.

Nous avons commencé à mesurer tout ce que nous pouvions durant la première semaine de démarrage – même si nous ne savions pas exactement ce que nous cherchions. L’évaluation de la température du cloaque, cependant, a révélé que celle-ci n’était pas ce qu’elle aurait dû être. Nous avons conclu que notre gestion du démarrage était inadéquate, particulièrement en ce qui a trait à l’atteinte d’une température de démarrage égale.

C’est alors que la vraie solution à l’entérite nécrotique a commencé à se révéler au grand jour, et qu’il est devenu évident que le remède se trouvait entre les mains des producteurs.

La mauvaise approche

Bien que les jeunes poussins à griller aient un développement précoce – c’est-à-dire qu’ils sont capables de trouver de la nourriture et de l’eau peu après être sortis de l’œuf – cela ne signifie pas qu’ils peuvent survivre sans aucune aide de leur parent.

Si vous regardez une poule veiller sur ses poussins naissants, vous verrez que les poussins s’éloignent de la poule pour chercher de la nourriture autour de la mère, mais que périodiquement, ils ont froid et retournent sous la poule pour se réchauffer. C’est ainsi qu’ils maintiennent leur température optimale.

En revanche, nos systèmes de démarrage sont souvent conçus pour chauffer le poulailler entier. Nous avons des sondes pour mesurer la température, et cette mesure permet au producteur de décider si la température de démarrage est adéquate. Cependant, le poussin reste à environ 5,08 cm (2 po) de la litière, et les sondes de température sont à au moins 30,48 cm (12 po) du sol.

De plus, les poulaillers ne sont souvent pas munis de ventilateurs de recirculation, ce qui mène à des températures inégales sur le sol et entre le sol et le plafond. Selon mon expérience des poulaillers plus anciens, la variation de température entre la mesure au mur et au centre du poulailler peut aller jusqu’à 30 degrés Fahrenheit. Les poussins qui se retrouvent près des murs extérieurs du poulailler ont froid, et s’ils ne meurent pas, ils sont affaiblis par rapport aux poussins dans le milieu du poulailler.

Vous ne verrez peut-être pas de signes cliniques d’entérite nécrotique durant les premières semaines, mais lorsque l’oiseau commence réellement à croître, l’impact du démarrage inégal devient apparent et est confirmé par divers troubles intestinaux. L’entérite nécrotique est alors couramment diagnostiquée.

Mesurer et ajuster

Le producteur futé peut repérer un problème de démarrage inégal lorsque les poussins sont âgés de deux ou trois jours seulement et bien avant que les signes cliniques d’entérite nécrotique n’apparaissent. Les poussins paraissent en santé à leur arrivée à la ferme, mais en quelques jours, une certaine variabilité ou inégalité peut être remarquée. Au British Poultry Council, nous partions du principe que la variabilité est le premier indicateur que les poussins ne connaissent pas un bon départ en raison de températures de démarrage inégales dans le poulailler.

Comment un producteur peut-il vérifier que ses conditions de démarrage sont efficaces pour tous les poussins du poulailler? Tous les producteurs participant à la stratégie d’intendance des antibiotiques du British Poultry Council ont adopté l’adage « On ne gère pas ce qu’on ne mesure pas » et ont commencé à vérifier la température de la litière. Dans les premiers jours de vie du troupeau, ils utilisent principalement des thermomètres à infrarouges. La sonde électrique reliée au système de contrôle est utilisée, mais est considérée comme secondaire.

La température cible avant l’arrivée des poussins dans le poulailler est généralement de 33 °C (91,4 °F). Pour éviter la surchauffe des poussins, la température de démarrage est légèrement plus basse si le poulailler est muni d’un chauffage par le sol ou si le taux d’humidité est élevé, puisque l’air humide peut transférer la chaleur.

Six heures après le placement des poussins, les producteurs vérifient la température du cloaque des poussins au moyen d’un thermomètre auriculaire ThermoScan®. Les poussins situés près des murs du poulailler ainsi que ceux plus au centre et aux extrémités du poulailler sont vérifiés. À ce stade, la température du cloaque devrait être de 40 °C (104 °F). Si elle est de 39,4 °C (103 °F), il n’y a pas de quoi s’inquiéter, mais une baisse de température de plus de 1 degré indique que la température de démarrage doit être augmentée.

Après 24 heures, les producteurs vérifient le « remplissage du jabot ». Ils touchent simplement le jabot des oiseaux afin de s’assurer qu’il y a une petite boule de moulée molle à l’intérieur pour savoir que les poussins mangent et boivent. Internet fourmille d’articles et de vidéos sur la manière de vérifier le remplissage du jabot.

Vous trouverez rarement un grand nombre de poussins qui n’ont pas le jabot rempli, mais le remplissage du jabot s’avère parfois inégal dans un troupeau, ce qui indique que certains poussins ont besoin d’aide pour trouver la nourriture. Or, ce problème peut être résolu en plaçant les oiseaux sur de longues bandes de papier couvertes de moulée. Une lumière vive les premiers jours peut aussi aider.

Déclin de la mortalité, disparition de l’entérite nécrotique

Lorsque les producteurs ont commencé à effectuer ces étapes simples, mais précises pour améliorer le démarrage dans les premiers jours de vie, deux choses se sont produites. La mortalité après sept jours a diminué, et l’entérite nécrotique – qui était auparavant un fléau constant de l’élevage sans antibiotiques – a disparu. L’entérite nécrotique est maintenant principalement chose du passé. Si l’entérite nécrotique survient, la gestion du démarrage dans cette ferme doit être revue.

D’autres améliorations qui devraient être apportées dans l’ensemble du système de production sont de s’assurer que les lignes d’eau sont propres et qu’il y a une bonne ventilation. Les options de rechange aux antibiotiques comme les probiotiques, les prébiotiques et les additifs alimentaires comme le butyrate, un acide gras à chaîne courte, peuvent être utiles et font invariablement partie d’un ensemble de stratégies efficaces, mais elles ne sont pas employées seules.

Mon avis général par rapport à cette expérience est que les antibiotiques étaient auparavant tellement efficaces que leur utilisation masquait des pratiques d’élevage sous-optimales. Avec l’aide de quelques outils peu coûteux et en portant une grande attention au démarrage – particulièrement à la bonne température du poulailler – nous sommes non seulement parvenus à de meilleures méthodes d’élevage générales, mais nous avons également résolu le problème de l’entérite nécrotique.

Originaire d’une famille de producteurs de poulet à griller du Royaume-Uni, M. Smith a étudié au National Institute of Poultry Husbandry, puis a géré des fermes de poules pondeuses, de poulets à griller, de gibiers et de dindons. Après un séjour au sein de l’armée britannique à titre de commandant de troupe de chars suivi d’un voyage en sac à dos en Afrique, M. Smith est revenu vers l’industrie avicole, d’abord au Zimbabwe. Il est ensuite retourné au Royaume-Uni, où il est finalement devenu vice-président des activités agricoles d’une grande exploitation avicole intégrée avant de se joindre à Atlantic Poultry en Nouvelle-Écosse.

Note de la rédaction : Les opinions et les recommandations présentées dans cet article appartiennent à l’auteur et ne sont pas nécessairement celles de la rédaction de Poultry Health Today ou de ses commanditaires.